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La terre

andré masson

André Masson
La terre (1939)
Huile au sable sur toile 43 × 53 cm

André Masson est né à Balagny dans l’Oise en 1896. Après une jeunesse passée à Bruxelles, il revient en France en 1912 et suit les cours de l’école des Beaux-Arts de Paris. Dans les années vingt, il est attiré par le cubisme.  Lié à Louis Aragon, Antonin Artaud, Michel Leiris et André Breton, il adhère au groupe surréaliste dès sa création. Il est fasciné par l’écriture automatique qu’il va transformer en dessin automatique, puisant dans son inconscient la puissance magique de son geste. À partir de 1927, il invente les tableaux de sable : sur une toile enduite de colle et posée sur le sol, il jette directement des poignées de sable.
"La terre", datée de 1939, appartient à cette série de peinture au sable. Au début des années trente, il peint ses premiers décors de théâtre, activité qu’il poursuivra pendant plusieurs années.
Il réalise notamment les décors et costumes de la Médée de Darius Milhaud. Une autre création de Masson peut être rattachée au monde du théâtre, c’est le plafond peint en 1965 pour le théâtre de l’Odéon à Paris. En 1941, il se réfugie aux États-Unis où il influence les peintres américains de l’action Painting, mouvement caractérisé par l’importance donnée aux gestes du peintre par rapport au résultat formel de l’application des couleurs sur le support. Après la Seconde Guerre mondiale, son style se charge d’accents plus expressionnistes. De retour en Europe, il voyage en Italie de 1950 à 1954, puis s’installe en Provence. Il meurt à Paris, le 27 octobre 1987, âgés de 91 ans.
Bien que son œuvre ne soit pas entièrement marquée par le surréalisme, l’adhésion à ce mouvement est capitale pour l’artiste.
En 1924, Breton, qui acheta les quatre éléments, découvre les œuvres de Masson lors d’une exposition à la galerie Simon. Peu enclin à l’idée de regroupement d’artistes en général, Masson, sollicité par André Breton, se joint pourtant au groupe surréaliste, rompt avec lui à la fin des années vingt, puis se réconcilie. Séduit par ce "mouvement libérateur" qui oppose à la raison, à l’ordre et aux conventions, le rêve, l’instinct et le hasard, Masson créa toute une série d’œuvres, peintes au sable, où l’automatisme régit ses compositions. À l’instar de l’écriture automatique des poètes, Masson va chercher dans ses toiles l’expression de sa pensée véritable enfouie au fond de son inconscient.
Dans l’ œuvre choisie, "la terre", Masson présente un être hybride, mi-humain, mi-animal disposé au centre de la toile. Deux univers se côtoient : d’une part, les vastes formes de sable collé contrastant avec le fond de la toile, d’autre part, les lignes sinueuses de peinture colorées. Pour décrire ces dernières, regardons le tableau en partant du bas vers le haut, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre. Une tête d’oiseau représentée de profil sert de point de départ à une épaule. De cette épaule se prolonge un bras, curieusement terminé par une patte crochue dont on devine sans peine qu’il s’agit des serres d’un rapace. Cette main vient griffer l’un des deux seins représentés en dessous. Tout à gauche, une jambe, son mollet et son talon viennent rejoindre la tête de l’oiseau au bas du tableau. Au centre de cette composition, sont indiqués l’un au-dessus de l’autre le nombril et le sexe féminin.
Le sable déposé sur le bord du tableau délimite la forme dessinée du corps. Au centre de celui-ci, un rond de sable, telle un trou béant, sert de support au sexe dessiné.
Toutes ces lignes et ses masses de sable alternent dans une sarabande féerique, qui est le fruit de la course automatique de la main de l’artiste courant sur la toile, et saisissent notre regard pour ne plus le laisser fuire. Invitation au voyage, allégorie fantastique ou fantasque, l’œuvre de Masson est un univers graphique pénétrant ou la rigueur et la conscience sont plus souvent présentes que ce que l’artiste aimerait nous faire croire.
Dans ce tableau, le sable joue un rôle primordial. Avant chaque œuvre, Masson disais : « je vais descendre dans l’arène». Il a exécuté ses premières peintures au sable en 1926 : « je disposais sur le sol de ma chambre une toile non préparée et y jetait des flots de colle, puis je recouvrais le tout avec du sable rapporté de la plage. Je refaisais, à ma manière, le mur exemplaire de Léonard de Vinci avec cette différenciation essentielle que le mur ne m’était pas donné, mais qu’il était le premier mouvement d’une intuition. Avec des couches successives de colle et de sable de consistance et de grains différents, j’enrichissais le procédé. »
La colle fixe les grains, mais l’œuvre n’est faite que de ce qui adhère sur la toile, jet de sable tracé au hasard par le geste de la main de l’artiste. Il s’agit bien ici de la première peinture gestuelle faisant appel aux formes surgies de l’inconscient. André Masson fait figure de précurseur au sein de ce mouvement, l’instinct l’emporte sur une recherche de formes, même abstraites.

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