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Les promenades d'Euclide

rené magritte

René Magritte
Les promenades d’Euclide (1955 )
Huile sur toile, 163 x 130 cm

 

René Magritte est né le 21 novembre 1898, à Lessines, en Belgique. Il a 14 ans quand sa mère se suicide. Cette disparition le marquera toute sa vie.
Il s’inscrit en 1916 à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Ses premières œuvres sont marquées par le cubisme et le futurisme. En 1925, il découvre l’art de De Chirico dont les scènes mystérieuses vont influencer certaines de ses œuvres comme "village mental" de 1926.
La même année, il rencontre le poète  Paul Nougé, qui l’initie à la poésie surréaliste. Un  ans plus tard, il se joint au groupe des Surréalistes Belges. En 1927 le couple Magritte s’installe au Perreux-sur-Marne, près de Paris.
Magritte va alors découvrir le mouvement surréaliste français. Trois ans plus tard, il retourne à Bruxelles  sa ville d’élection. Après une période difficile sur le plan financier, il rencontre le succès lors de ses expositions personnelles en Belgique et à New York. De 1943 à 1946, Magritte peint des toiles comme "Le premier jour", dans lesquelles il renoue avec la manière de peindre des Impressionnistes. Cette période créatrice est souvent considérée à tort comme une régression chez Magritte, alors qu’elle lui permet de s’opposer à l’art, trop ésotérique à son goût, des Surréalistes français. Après une «période vache» par un retour au fauvisme, Magritte reprend sa manière si caractéristique de peindre des idées simples. Il meurt le 15 août 1967 à Bruxelles.
Si les premières œuvres de Magritte trahissent une influence de la peinture cubiste, son art s’oriente très vite vers une représentation très minutieuse. Cette technique conventionnelle pratiquée par Magritte, ne traduit pas un parti pris réaliste, car sa peinture va au-delà de la réalité, elle est surréaliste. Parmi les artistes surréalistes, Magritte occupe une place à part. En effet son art n’est pas du tout solidaire des recherches de Breton, de Dali ou de Max Ernst. À l’instar des Surréalistes belges, il ne cherche pas à capter les manifestations de l’inconscient à travers l’étude des rêves et ne semble pas intéressé par les procédés créateurs ou interviennenet  le hasard comme dans les peintures de sable de Masson où les frottages d’Ernst.
L’originalité de Magritte tient au fait qu’il crée des images insolites à partir d’objets usuels. En les sortant de leur contexte, il cherche à nous les rendre visibles. Devant les "pains volants de la légende dorée" (1958), l’effet de surprise est telle que le spectateur regarde à nouveau "l’objet pain" pour lui-même.
En nous tendant des pièges, Magritte semble vouloir rééduquer notre regard, nous montrer que la représentation d’un objet n’est pas l’objet lui-même. Ainsi, avec son fameux tableau maintes fois reproduit, "Ceci n’est pas une pipe" (1928 1929), le peintre déconcerte le spectateur en associant une pipe à une légende qui contredit la représentation de l’objet. Il en est de même avec ses toiles qui traitent de l’espace dans lesquelles il utilise, en les détournant, les procédés classiques de la figuration. L’espace du tableau en deux dimensions se confond alors avec l’espace  tridimensionnel de la réalité.
Ce tableau est un trompe l’oeil saisissant créant la rencontre de deux visions superposées. Magritte nous présente une fenêtre qui montre un paysage, devant laquelle l’artiste a peint un chevalet. Les deux rideaux qui encadrent cette fenêtre permettent à l’oeil du spectateur de situer l’ouverture dans l’espace du tableau. Le tracé d’une ligne blanche se détachant sur le fond du ciel nous permet de comprendre que sur le chevalet est posé une toile qui représente précisément la partie du paysage urbain qu'elle masque en arrière-plan. L’artiste fond et confond le paysage vu de la fenêtre avec celui du tableau, remettant ce dernier en question, jouant de la confusion entre signifié et signifiant. Magritte montre qu’il est possible de représenter une parcelle du monde réel tout en laissant s’insinuer en nous le doute quand à la réalité du paysage qui se trouve derrière et autour du chevalet. En effet, la lecture de l’oeuvre est double ; si le paysage peint sur la toile posée sur le chevalet est la représentation du paysage de l’arrière-plan, il en est de même de ce dernier, ce paysage autour du chevalet qui après tout est lui-même la représentation d’un paysage peint par Magritte.
Dans "Les promenades d’Euclide", le principe est subtil et repose sur le même concept que celui de sa célèbre toile, "Ceci n’est pas une pipe". L’artiste a su ici aussi nous piéger en recourant au principe illusoire de la peinture. Ainsi la forme conique du toit de la tour du tableau est la stricte soeur jumelle géométrique de celle qui représente une avenue en perspective aérienne et qui est vue à travers la vitre.
Magritte veut démontrer que nous ne voyons jamais les choses comme elles sont réellement et que le peintre ne les représente jamais comme il le voit, il y a toujours métamorphose. Magritte peint à vision d’un monde imaginaire empreint d’une poésie fantastique.
Pour Magritte, le sujet est l’essentiel et ne doit ni partager sa place ni la céder à la matière picturale, toujours secondaire : « j’essaie toujours que la peinture ne se fasse pas remarquer, qu’elle soit le moins visible possible.» Il travaille sur une toile préparée au blanc, posée sur un chevalet, celui reproduit dans ce tableau. Il a d’abord dessiné l’encadrement de la fenêtre en la soulignant par des bandes noires, puis il a discrètement su gérer le plissé du rideau par des dégradés de noir. C’est seulement après avoir appliqué la peinture du chevalet placé devant la fenêtre, qu’il a abordé la partie la plus difficile sur le plan technique : le tableau dans le tableau: la peinture de cette vue en perspective est précise et méticuleuse, chaque détail étant repris avec un pinceau très fin. Dans le fond, le ciel bleu apparaît à peine dans la masse des nuages blancs. Le double effet de perspective de la grande rue centrale et du toit conique de la tour est obtenue grâce à une technique élaborée.

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