Paul Cézanne
Les joueurs de cartes (1893-1896)
Huile sur toile 47 x 57 cm

Paul Cézanne est né en 1839 à Aix-en-Provence, dans une famille aisée. Au collège Bourbon d’Aix, il se lie d’amitié avec Émile Zola. Tout en étudiant le droit à la Faculté, Paul Cézanne suit les cours de dessin à Aix. Ils convainc son père de le laisser partir à Paris pour s’inscrire à l’Académie Suisse où il sympathisera avec Pissarro.
Refusé à l’entrée de l’école des Beaux-Arts, il revient à Aix puis repart à Paris où il rencontre, grâce à son ami Pissarro, Renoir, Monet et Sisley.
En 1872, Cézanne s’installe à Auvers-sur-Oise, chez Pissarro, dont il subit l’influence. En 1874, il participe à la première exposition impressionniste chez Nadar où il présente "La maison du pendu" à Auvers-sur-Oise, une version de sa moderne Olympia (tous deux au musée d’Orsay à Paris). Puis, en 1877, il expose à nouveau au côté de ses amis, mais sans succès. L’année suivante, Cézanne délaisse l’impressionnisme pour une peinture moins objective et qui restitue le réel de manière plus constructive, comme l’illustre sa première série sur la montagne Sainte-Victoire, dont les compositions sont très architecturées.
À partir de 1889, Cézanne s’oriente vers une peinture synthétique, dans laquelle tous les éléments vont finir par fusionner, comme dans "Rideaux, cruchon et compotier" où les objets et les fruits se confondent les uns avec les autres. C’est seulement au Salon d’Automne de 1904, deux ans avant sa mort, que son talent sera consacré.
Au lieu de peindre, comme les impressionnistes, les variations de la lumière sur les objets, Cézanne s’intéresse à la structure interne de ces objets, au divers plans qui composent un visage, une montagne ou  encore de modestes fruits posés sur une nappe.
Il oriente ses recherches picturales vers un art construit dans lequel la touche colorée organise l’espace, comme dans la série sur les Grandes Baigneuses ou ses nombreux portraits.

Pour lui, peindre signifie : «...traiter la nature par la sphère, le cylindre, le cône, le tout mis en perspective ». Il est le précurseur des peintres cubistes, cherchant à rendre la réalité non pas de manière abstraite mais plus exactement et plus complètement en représentant par exemple un objet sous divers aspects comme le perçoit l’oeil.
Dans "Le tricheur", Georges de la Tour a cherché à dévoiler le secret caché des personnages autour de la table de jeux. Cézanne lui ne raconte pas une histoire. Il s’intéresse plus à la composition géométrique de son tableau qu’à ses deux personnages dont les visages sont inexpressifs et l’attitude figée. La partie de cartes ne semble pas intéresser le peintre puisqu’elles sont blanches.
On sait qu’il a pris comme modèle deux employés de son père, en particulier le jardinier qui travaillait au Jas-de-Bouffan.
Leur attitude tient plus de la rigidité des statue de marbre que de celle de deux camarades jouant une partie de cartes, mais l’artiste leur a demandé l’immobilité absolue.
Le joueur à la pipe (le jardinier) a déjà posé dans un autre tableau de cette série.
La composition de l’ œuvre suit une pyramide inversée : les angles aigus des coudes, les lignes verticales de la chaise et des pieds de la table, les lignes horizontales de la table conduisent à la bouteille située au centre du tableau, qui se divise ainsi en deux parties symétriques.
La déformation que Cézanne impose aux objets, comme les chapeaux cylindriques, les visages angulaires lui permet de mieux rendre compte de ce que lui impose sa propre vision subjective.
Les tons sombres de l’ensemble du tableau font bien ressortir les quelques touches de blanc. L’éclairage plutôt frontal accentue l’impression d’immobilité de deux personnages, d’une raideur presque minérale.
Cette œuvre est une huile sur toile. La palette de Cézanne est limitée ici à quelques couleurs : rouge, orange, jaune, bleu-violet, noir et blanc. Cézanne pense son tableau d’abord en couleurs pour créer cet espace.
Les tons sombres du fond contrastent avec le blanc de la pipe, celui du col de la chemise et des cartes du personnage de gauche, la veste aux manches modelées par quelques touches de noir et le foulard de couleur claire du joueur de droite. Les touches très visibles de sa brosse permettent la construction de tous les volumes et l’épanouissement des couleurs plus sourdes.