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Le boeuf écorché

chaïm Soutine

Chaïm Soutine
Le bœuf écorché (1925)
Huile sur toile 202 x 114 cm

Chaïm Soutine est né en Lituanie en 1894. Après une enfance misérable dans le ghetto juif de Smilovitchi et une rapide formation académique à Vilna, il arrive à Paris en 1913, ignorant tout des mouvements artistiques européens. Il fréquente assidûment le Louvre, admirant particulièrement Courbet et Rembrandt, artistes qu’il considère comme ses maîtres. Partageant la misère des locataires de la ruche à Montparnasse, cité d’artistes, exilés comme lui pour la plupart.
Il se lie d’amitié avec Modigliani et Chagall et fait partie de ce que l’on a appelé l’Ecole de Paris. Arbit Blatas, peintre lui aussi d’origine lituanienne, raconte que Soutine gardait si longtemps les dindes, poulets et autres harengs employés pour ses natures mortes que l’odeur nauséabonde empêchait ses amis de rentrer dans l’atelier.
Rongé par l’alcool, son ami Modigliani et lui-même vendent leur toiles dans les bistrots de Montparnasse pour 20 sous !
En 1923, un grand collectionneur américain, Albert C. Barnes achète toutes les siennes en s’exclamant «...c’est le génie que je cherche depuis des années !»
Il peut alors manger à sa faim. En 1925, il peint plusieurs versions du bœuf écorché de Rembrandt. Sa peinture est enfin appréciée mais il doit attendre, comme les plus grands artistes de ce siècle, la fin de la Seconde Guerre mondiale pour connaître la gloire qu’il mérite. Soutine meurt en 1943, âgé de 50 ans seulement.
Soutine arrive à Paris en 1913. Il appartient à l’Ecole de Paris, appellation sous laquelle on regroupe la plupart des artistes étrangers émigrés à Paris dans les premières années du 20e siècle. La ville lumière attire alors des colonies étrangères qui comptent beaucoup d’artistes, de peintres, de sculpteurs, de musiciens et de danseurs.
Ces artistes sont aussi désignés comme les «indépendants», leur œuvre ne pouvant pas être assimilée à un courant en particulier.
Il est difficile de déceler une évolution stylistique ou thématique dans l’ œuvre de Soutine, toutes ses toiles expressionnistes, à l’instar de l’ œuvre de Georges Rouault, dénonçant la triste condition humaine.
Le thème récurrent de la mort est particulièrement bien traduit dans ses natures mortes où les animaux sanguinolents trônent tels  des trophées.
Pour peindre son bœuf écorché, Soutine à acheté directement à l’abattoir un bœuf entier qu’il a péniblement transporté jusqu’à son atelier dans lequel il s’est enfermé pour peindre comme un forcené pendant 4 jours, demandant seulement à son ami Arbit Blatas d’aller lui chercher des litres de sang qu’il versait sur la carcasse pour accentuer le rougeoiement des chairs en décomposition. Comme la puanteur est est insoutenable et qu’il ne tenait pas compte des plaintes de certains de ses voisins, c’est la police municipale qui force à la porte pour enlever le bœuf, mais ses toiles, toutes des chef-d’œuvre étaient terminées.
Cette œuvre reflète bien la nature violente et tragique de Soutine, parfois à la limite de la folie, comme le montre son utilisation du rouge sang dans un grand nombre de ses œuvres comme l’escalier rouge.
Le bœuf écorché témoigne de la même pulsion. Soutine a vu plusieurs fois au Louvre le bœuf écorché de Rembrandt. En comparant les deux œuvres, on découvre l’aspect beaucoup plus tragique, la beauté somptueuse exaltante du bœuf de Soutine, peint dans des rouges frémissant. Le contraste des couleurs, celui du rouge le plus absolu tranchant sur le noir le plus obscur, participe à cette violence plastique. Le dessin torturé de la carcasse nous communique la souffrance de la chair, la violence de l’abattage, la fureur d’une mort brutale.
Chaïm Soutine utilisait une toile brute , sans apprêt.
Sa peinture est appliquée directement sur la toile, sans esquisse préalable.
Dans la postérité de Van Gogh, il utilise les touches opulentes de sa pâte épaisse dans des coloris violents où domine le rouge vif.
Le trait délimite l’animal qui se détache du fond sombre, brossé en larges touches.
Le rouge et le jaune apportent  la seule lumière du tableau et accentuent les contrastes des formes de la matière brute à l’intérieur de la carcasse ouverte et tourmentée.
L’ ensemble laisse deviner les sentiments passionnés qui habitaient Soutine au cours de ce combat solitaire avec la mort.

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